Depuis la mort de Danton, les
témoi-gnages présentés à sa charge par les
parti-sans de Robespierre se sont exclusive-ment bornés
aux accusations que celui-ci, ou ses amis, avaient concertées
pour arri-ver à l'extermination des vieux cordeliers,
c'est-à-dire aux faits mêmes qu'il
s'agissait d'établir et de
prouver ; tandis que tous les travaux d'analyse
impartiale et de criti-que sérieuse, ainsi que le dépouillement
consciencieux des pièces ayant rapport à ce
sujet (documents rassemblés et produits depuis 1850 jusqu'à 1868, par MM.
Vil-liaumé,
Despois,
Bougeard et par
nous-même), ont constamment, invariablement
et de plus en plus concouru à mettre hors de
toute espèce de doute l'intégrité privée et publique du
président du Conseil exé-cutif de la République française. Eh
bien, nous avons reproché à M. Hamel d'avoir exclusivement puisé à la
première source et de s'être constamment éloigné de la
seconde ; et il n'a rien pu opposer ni
ré-pondre à ce reproche dans l'article dont il
est ici question.
C'est pourquoi nous nous croyons auto-risés à soutenir,
contrairement à son opinion : 1° que Danton avait un
patri-moine, et que jamais son régime de vie
ne fut en disporportion avec sa fortune
personnelle; 2° que cette fortune resta
exactement la même, avant, pendant et après
la Révolution; 3° que la correspon-dance de Mirabeau ne confirme en
quoi que ce soit les dénonciations de
Robes-pierre; 4° que la lettre des municipaux
de Béthune est toute à la décharge de
Danton contraire au système de ses
di-lapidations supposées en Belgique, et que c'est pour cette raison
seule qu'elle ne fut point produite au tribunal
révolu-tionnaire par le comité
du Salut public, qui l'avait à sa disposition
; 5° que cette lettre n'était point dans les papiers de
Lebas, qui, au contraire,
détenait un procès-verbal pouvait à lui seul établir
l'innocence de Danton ; et qu'enfin nous
l'avions publiée dans notre
Mémoire avant
que M. Hamel l'ai présentée comme iné-dite ;
6° que le version du Bulletin du
Tri-bunal
révolutionnaire sur une prétendue déposition de
Cambon, taxant Danton
d'infidélité envers les fonds de l'Etat
pen-dant sa commission dans la Belgique, est
absolument mensongère; 7° que M. Hamel
n'était plus fondé lors de la publication de
son livre, et d'après les documents nouveaux qui étaient à ce
moment à sa disposition et à sa connaissance, à con-
tredire les faits que nous venons
d'énu-mérer.
C'est pourquoi, enfin, nous nous croyons autorisés, au
nom de la justice et de la vérité, à inviter M. Hamel, ou bien à
prou-ver catégoriquement ces différentes
accu-sations, ou bien à les retirer publiquement
et d'une manière définitive du tribunal de
l'histoire.
Veuillez agréer, etc. Dr Robinet.
Rue Saint-Placide,
35.
(1) Nous avons encore reçu au sujet de l'article de M.
Hamel, une lettre de M. Jules Miot, ancien
re-présentant du peuple, qui s'associe à M. Robinet
pour protester énergiquement contre les accusations
de vénalité, de corruption, voire même de trahison
portées contre Danton, et qui signale à l'attention du
public le livre remarquable de M.
Bougeard :
Dan-ton. Documents
authentiques pour servir à l'histoire
de la Révolution française.
– Une troisième lettre de de M. Raoul
Rigault proteste contre le caractère par
trop systématiquement exclusif du Robespier-risme de M. Hamel. Comme cette
lettre pourrait fournir l'occasion d'une diversion à la
discussion de la question très nettement posée par M. Robinet,
nous croyons devoir en supprimer la publication. Il
est un point de cette lettre cependant dont il nous
paraît bon de prendre acte dès maintenant : – "Pour
juger ces hommes, dit M. Hamel, il faudrait des
livres, et alors le lecteur pourrait comparer les
œuvres où ils sont glorifiés avec celle où il a
lui-même glorifié Robespierre, et se prononcer en
con-naissance de cause."– M. Rigault fait observer
que les livres existent bien comme le désire M.
Ha-mel, ou plutôt ils ont existé, mais aujourd'hui
per-sonne ne peut les lire, puisqu'ils ont été condamnés
et saisis (Marat, par
Bougeard, les Hébertistes, par
Tridon) : ce que M. Hamel
n'ignore certainement pas, bien qu'il n'ait pas l'air de s'en
souvenir. – L. D